D’une plateforme d’édition collaborative à un projet d’intelligence artificielle littéraire

Collaboration et production du savoir : pour une herméneutique des structures

Yann Audin, Mathilde Verstraete, Marcello Vitali-Rosati

York University (CSHN/SCHN) - 30-05-2023

1. A few words on the project

A digital collaborative edition of the Greek Anthology :

Started in 2014 (funded by the CSRH)
Many platforms
Hub for the Greek Anthology
An anthologisation of the Anthology

2. Collaborative aspects in the AGr project

inside the platform :
- Research Assistants
- Students (High School & University)
- Others
with other projects :
- API as a collaborative space

(cf. article Editorialiser l’AG)

Une des caractéristiques du manuscrit palatin est qu’il se matérialise comme lieu de réunion et de mise en lien de textes très hétérogènes. Ainsi, éditer l’Anthologie grecque mais aussi l’imaginaire anthologique qui s’y rattache ne peut pas se résumer en une édition critique ou génétique classique attachée à l’établissement d’une vérité du texte. Plutôt, il est important de souligner les innombrables connexions qui existent entre ses composants textuels et également entre des objets culturels externes participant à la densité anthologique.

Au sein du corpus déjà, nous pouvons déceler une certaine collaboration : concernant les épigrammes d’abord, beaucoup sont des variations, donc la reprise d’une épigramme par un autre auteur qui va tenter d’améliorer le poème, de se mettre en compétition avec l’auteur précédent pour produire quelque chose de mieux. Ce qui était alors des petits concours, ou des exercices de style se transforme aujourd’hui en pratique collaborative, en ce que nous disposons dès à présent de séries d’épigrammes sur un thème particulier qui ont été écrites ou co-écrites si nous prenons les séries dans leur ensemble.

Au sein de la réalité matérielle du codex aussi, nous pouvons déceler une certaine collaboration : plusieurs mains ont travaillé sur le manuscrit, avec des corrections ou des améliorations des lemmas en marge par exemple.

Un millénaire plus tard, nous pouvons mettre cela en parallèle avec la collaboration qui sous-tend et appraît à différents niveaux au sein du projet d’édition numérique collaborative de l’Anthologie grecque.

Nous pouvons classer nos petites mains en catégories différentes:

les éditeurs : étudiants de l’UdeM, rémunérés. La plupart sont issus des lettres classiques et découvrent le monde des DH à partir de notre projet. La moitié des éditeurs se sont inscrit au microprogramme ou DESS en HN.
les universitaires : nous avons un partenariat avec l’Université de Naples : la prof. S. Cannavale fait travailler chaque année un de ses groupes sur la plateforme. Ca leur donne des projets concrets en DH et ils prennent part à un large projet collectif.
les lycéens : En particulier, nous avons lancé un vaste projet pédagogique, en partenariat avec des établissements secondaires (dont le Liceo Classico di Altamura) dans lesquels le grec est massivement enseigné. Encadrés par des professeurs, les élèves réalisent par petits groupes des traductions du texte, puis les mettent en ligne. Les avantages sont nombreux sur le plan pédagogique: apprentissage de la langue, analyse des textes, apprentissage des outils numériques d’édition; et personnels: contribution à un projet universitaire de grande ampleur.
les ajouts isolés : personnes qui viennent d’on ne sait où et qui ajoutent de temps en temps une contribution.

On a aussi de la collaboration avec des personnes externes à la plateforme. Nous avons par exemple pu fournir facilement des données à un chercheur qui cherchait des transcriptions alignées pour le grec ; nous avons également mis au point un système d’annotation du manuscrit pour la bibliothèque palatine de Heidelberg. Ces collaborations ont été rendues possibles grâce à la création et à l’ouverture de nos données structurées – mais flexibles. On arrive à des usages innovants et souvent inattendu de nos collections.

On a parlé plus haut (à vérifier) des différents types de co-création, que l’AGr illustre parfaitement en tant qu’“environnement numérique dans lequel l’édition savante est conçue comme une forme d’éditorialisation : un processus ouvert, reposant sur l’interaction entre différentes équipes de chercheurs et d’autres contributeurs (modèle contributif) et qui invite chaque participant à s’approprier le matériel textuel pour le moduler et s’en servir selon ses besoins et ses souhaits”

humain-humain : dialogues sur l’API entre plusieurs humains ; je reviendrai sous peu sur cette notion d’API et son importance
humain-machine : ajout de choses à la db
académique-artiste : ajout des imaginaires artistiques propres à chaque éditeur
académique-programmeur : discussion et co-création de la plateforme avec les programmeurs.

Dans un article paru en 2021, Marcello et Margot qui travaillait alors sur le projet posent les quatre considérations permettant une éditorialisation (production et à la circulation des contenus dans les environnements numériques ) de l’Anthologie :

~~- Au plan historique (et génétique), l’anthologie est d’abord le fruit d’une contribution massive et transéculaire.~~ ~~- Au plan du contenu, elle se caractérise par une hétérogénéité fondamentale (en termes formels et thématiques, notamment).~~ ~~- Au plan structurel, cette hétérogénéité est contrebalancée par une dimension dialogique qui dessine des parcours de lecture.~~ ~~- Au plan anthologique lui-même, sa vocation est de refuser toute clôture, en présupposant son propre enrichissement.~~

~~à cela s’ajoutent trois aspects de l’éditorialisation qui semblent pertinents pour la réalisation des objectifs :~~

- L’éditorialisation n’est pas un processus clos, mais une dynamique ouverte : les contenus qui circulent dans les environnements numériques peuvent toujours être repris, modifiés, réutilisés pour remplir d’autres objectifs : c’est exactement ce qui caractérise le processus de constitution de l’Anthologie tel que nous l’avons analysé. ~~- L’éditorialisation est un processus collectif. Tout comme dans l’Anthologie, il n’y a jamais un seul auteur, le matériel textuel est le fruit d’une multiplicité de voix et de mains.~~ ~~- L’éditorialisation est un processus qui ne peut pas être contrôlé : il échappe à ceux qui l’ont institué et va au-delà des intentions premières.~~

Pour terminer, j’aimerais parler de l’API que je conçois comme espace particulièrement propre à provoquer une discussion et une collaboration. En effet, pour encourager les échanges et l’interactivité entre les différents contributeurs – sur le modèle du dialogue qui s’est tissé, à travers les siècles, entre les différents poètes de l’Anthologie – notre plateforme et environnement numérique éditorial, fondé sur une logique contributive, favorise la constitution d’une véritable communauté de contributeurs (qui s’incarnent dans l’API). Qu’on parle de collaboration interne ou externe, l’API est l’endroit sur lequel tout se joue. Elle incarne à la fois un espace d’exploration technique et est le résultat d’une réflexion sur la nature intrinsèque de l’anthologie d’une part, sur les principes de l’édition classique (et plus particulière d’un corpus grec) d’autre part. Il s’agit donc d’une interface mêlant spécificités techniques et réflexion philologique, ce qui en fait un espace cohérent de réunion des savoirs~~, rejoignant la vision de l’édition Web fondée sur l’intelligence collective dont parle Lévy (1994)~~. Nous avons fait le choix d’une base de données ouverte et interrogeable, qui résonne avec la nature même du modèle anthologique. Celui-ci repose en effet finalement sur un principe d’agrégation de fragments sélectionnés par un auteur ou compilateur. C’est pour cette raison que nous avons opté pour une structuration des données en JSON. Cette décision nous a semblé favoriser davantage l’appropriation et la reconfiguration des contenus, répondant ainsi bien mieux à l’esprit même de l’anthologie. La structuration à plat du JSON, à la différence de la structuration arborescente du XML/epidoc, permet de réorganiser et de réagencer les données selon de multiples paradigmes d’interprétation. À partir de ces structures interopérables, il nous est ainsi possible de procéder à une extraction et à un partage des données.

Une édition, finalement, n’est qu’une structuration particulière de contenus pour faire de l’information un élément fiable et réutilisable. Aujourd’hui, la structure dans une perspective numérique permet de repenser l’utilisabilité de l’information et d’aller au-delà d’un affichage unique (Citation: McGuire, 2013) : la possibilité d’un affichage multiple permet une pluralité d’utilisations du contenu de l’API allant de la recherche heuristique d’un spécialiste helléniste à la curiosité de l’amateur. En ce sens, on peut parler de l’API comme d’un objet-livre, renouant avec les missions éditoriales, en dépassant cependant les limites de l’édition traditionnelle par la multiplication des possibilités de structuration.

Sur ces mots, nous arrivons à un projet dérivé de l’Anthologie grecque, à savoir intelligence artificielle littéraire

3. From data to research : the IAL (Intelligence Artificielle Littéraire) project

The variatio inside the Greek Anthology

stylistic
rhetoric
paradigmatic

L’Anthologie grecque constitue un corpus précieux et diversifié de formes intertextuelles, dont celle de la variation. Concrètement, la variation consiste à reprendre un texte d’un prédécesseur ou contemporain et de l’adapter. On n’est pas très loin de ce qu’on appelle “plagiat” aujourd’hui, à la différence que le procédé était plutôt encouragé par les pratiques rhétoriques de l’époque. Le procédé prend de l’ampleur chez les épigrammatistes du III^e siècle. L’épigramme était le genre idéal pour la pratique de la variatio, se prêtant à des variations presque infinies. La simplicité de la forme permet en effet aux auteurs de s’illustrer en l’espace de quelques vers seulement. La taille du poème rend impossible à un poète d’épuiser la richesse d’un sujet à l’intérieur d’une unique épigramme. La reprise d’un même sujet, en le variant, permet d’en faire sortir toutes les facettes successivement. Il y a enfin une notion de défi : plus le thème a été traité, plus il est difficile de le varier, plus le triomphe est grand. Dès lors, les objets qui composent une épigramme issue d’une séquence de variation deviennent des variables, qui sont commutables. Selon Pierre Laurens, la variation peut être stylistique, rhétorique ou paradigmatique. La variation stylistique porte sur les mots et leur agencement: on innove en déplaçant des éléments, en modifiant le lexique et le style. La variation rhétorique progresse, s’attachant plutôt à l’objet, permettant au poète plus de liberté quant à l’organisation du poème. La variation paradigmatique enfin fait varier le sujet lui-même, le considérant comme une variable parmi d’autres. J’évoquerai rapidement la séquence de variation des épigrammes 11 à 16 et 179 à 187 du livre VI, dont vous avez les traductions à l’écran. Elles rapportent la dédicace de trois frères (Damis, chasseur, Cléitor, pêcheur, Pigrès, oiseleur) au dieu Pan. Chacun offre un filet adapté à son style de chasse. L’originale (VI.13) est due à Léonidas de Tarente. L’épigramme a été reprise 14 fois, plusieurs poètes l’ont même variée plusieurs fois.

The hypothesis

Defining a literary concept with an algorithm

Tested approaches

Bag of words
TF-IDF
Word Mover’s Distance
Levenshtein/Damereau Levenshtein

Modelling

Knowledge discovery
Genetic algorithms
Neural networks