Sens et syntaxe

Le test de Turing

Turing, A. M. « Computing Machinery and Intelligence ». Mind LIX, nᵒ 236 (1 octobre 1950): 433‑60. https://doi.org/10.1093/mind/LIX.236.433.

Qu’est-ce que l’être humain? Qu’est-ce que la machine? Est-ce qu’il y a quelque chose qui “échappe à la machine” et qui donc - c’est ce qu’on semble sous-entendre - n’échappe pas à l’humain? Est-ce qu’il y a quelque chose qui permet de caractériser et de différencier clairement l’humain de la machine?

Pour répondre à ces questions rappelons le cadre du fameux test de Turing, une des premières manières pour penser ces frontières, ces différences et ces identités entre être humain et machine.

Imitation game: homme et femme et ensuite machine:

  • A est homme et essaie de tromper C

  • B est femme et chercher d’aider C

Le jeu des rôles - Imitation game

découvrir une différence ou la performer?

L’homme fait la femme. Il se comporte comme il croit qu’une femme DOIT se comporter. Donc il produit une certaine idée du genre féminin

On présuppose une différence et le but du jeu est justement de renforcer cette différence (le genre). On performe le genre

Performer l’humain

Take away message

Dans le test de Turing on ne “découvre” pas qui est l’être humain et qui est la machine: on produit la définition de ce qu’est l’humain et de ce qu’est une machine.

La chambre chinoise

Searle, John R. « Minds, Brains, and Programs ». Behavioral and Brain Sciences 3, nᵒ 3 (septembre 1980): 417‑24. https://doi.org/10.1017/S0140525X00005756.

My car and my adding machine, on the other hand, understand nothing: they are not in that line of business.

Donc c’est une question d’essence: de la machine et de l’être humain. L’objectif n’est pas de savoir si la machine peut penser, mais de définir ce qu’est l’humain par opposition à quelque chose d’autre, dans ce cas une machine. Ce n’est pas seulement une opposition, par contre, mais aussi, et surtout, une hiérarchisation.

Qui est le plus intelligent?

  • homme vs femme

  • humain vs animal

  • humain vs machine

Instead of arguing continually over this point it is usual to have the polite convention that everyone thinks.

Turing, A. M. « Computing Machinery and Intelligence ». Mind LIX, nᵒ 236 (1 octobre 1950): 433‑60. https://doi.org/10.1093/mind/LIX.236.433.

Le sens et la syntaxe

  • une table d’associations

input

output

a?

b

Une opération

a?
b

Le sens et la syntaxe

  • une table d’associations

input

output

Qu'est-ce que le soleil?

Une étoile

Une opération

Qu'est-ce que le soleil?
Une étoile

Quelle est la différence entre ces deux exemples ? D’un point de vue syntaxique, il n’y a pas de différence du tout. Mais il y a une différence s’il n’y a plus de table de correspondance : une machine ne sera pas capable de combiner le premier symbole avec le second. Mais on croit qu’un humain sera capable d’aller au-delà de la syntaxe et de comprendre le sens, sans avoir besoin d’une table, il sera capable de combiner les deux. En effet, il “comprendra” ce que signifient “soleil” et “étoile”. On pourra aussi dire que l’humain ressent quelque chose de différent quand il lit ‘a ?’ puis ‘b’ et quand il lit ‘Qu’est-ce que le soleil ?’ et ensuite ‘une étoile’.

  • Syntaxe = juste ce qu’on voit: table + symboles

  • Sens = quelque chose de plus… mais quoi?

Et si on complexifiait la table?

Et si ce quelque chose de plus était justement par ex ce qui nous échappe dans les matrices de réseaux de neurones? Justement parce qu’on ne sait pas, comme on ne sait pas ce que veut dire qu’un enfant comprend… Cf Michèle Sebag Goodfellow et Clever Hans.

Le problème est que cet exemple est conçu pour définir clairement l’ensemble des éléments disponibles dans le premier cas et pour laisser ambigus les éléments disponibles dans le second cas.

Dans le premier cas, il n’y a que les deux symboles et le tableau. Dans le second, il y a autre chose. Mais qu’est-ce que ce quelque chose d’autre ?

La réponse que l’exemple tente de provoquer est : “le sens”, en supposant que le sens est ce qui reste après avoir considéré tous les éléments déclarés. Mais le problème est que ces éléments n’ont pas été déclarés.

Et s’il existait de nombreux tableaux, chacun définissant des instructions pour établir des relations entre différents symboles ? Une table établissant une relation entre le symbole Soleil et le symbole étoile, une autre établissant une relation entre Soleil et une image, une autre établissant une relation entre Étoile et lumineux, une autre entre lumineux et chaud et entre étoile et objet astronomique constitué d’un sphéroïde lumineux de plasma maintenu par sa propre gravité, et ainsi de suite. Imaginez des millions, des milliards, des trillions de ces relations. L’exemple serait-il encore valable ?

Quelque chose de semblable:

Tononi, Giulio. 2012. Phi: A Voyage from the Brain to the Soul. New York: Pantheon

La définition de l’humain

est ‘humain’ ce qui échappe à la machine

Posthuman studies

My posthumanist account calls into question the givenness of the differential categories of human and nonhuman, examining the practices through which these differential boundaries are stabilized and destabilized. [Barad, Karen. 2007. Meeting the Universe Halfway: Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning. Second Printing edition. Durham: Duke University Press Books.]{.source}